Quand jazz et poésie s’enlacent : le mystère captivant du Vanneau Huppé

20 avril 2025

Le Vanneau Huppé, c’est avant tout une rencontre. Celle de musiciens explorateurs du jazz, curieux des croisements, et de poètes qui jonglent avec la langue et ses silences. Né dans la bouillonnante effervescence des scènes alternatives européennes, le projet rassemble des artistes venus d’horizons variés mais soudés par une volonté commune : raconter autrement.

L’origine de leur nom intrigue. Pourquoi ce "vanneau huppé", oiseau discret mais doté d'une allure singulière, entre élégance et mystère ? Il semblerait que ce choix reflète parfaitement l’esprit du collectif : voler entre discrétion et éclat, en quête de territoires à révéler. D’ailleurs, en écoutant leur musique, on comprend rapidement cette envie d’élever l’auditeur comme un oiseau en plein envol.

Le projet voit officiellement le jour en 2018, lors d’une résidence dans un théâtre à Amsterdam. Durant ces semaines de création, des textes poétiques écrits dans plusieurs langues (français, anglais, italien et parfois même en dialectes régionaux) se mêlent à des structures jazz profondément libres et modernes. Quelques enregistrements amateurs circulent sur Internet, capturant déjà l'essence hybride du collectif.

Le Vanneau Huppé ne suit pas une trajectoire classique, ni dans sa démarche ni dans ses compositions. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter de la poésie au jazz, non, c’est plus subtil. Leur force réside dans cette capacité à composer avec l’aléatoire, à laisser des espaces où l’improvisation peut jaillir à tout moment, telle une nouvelle tournure en plein poème.

Sur scène, on retrouve souvent un quatuor instrumental combinant des instruments traditionnels du jazz (comme le saxophone ou le piano) à des outils inattendus : tambours africains, claviers analogiques ou même des enregistrements de bruits naturels. Aux côtés de cette aventure sonore, un ou plusieurs poètes déclament des textes en direct, jouant avec le rythme imposé par les musiciens. Les oscillations entre musique et mots sont fascinantes : tantôt les notes dominent, tantôt les phrases chuchotées ou clamées prennent le dessus.

Cette structure mouvante évoque des collectifs comme le Chicago Art Ensemble, connu pour briser les conventions, ou encore des figures du spoken word, à la manière de Gil Scott-Heron. Mais là où Le Vanneau Huppé frappe, c’est dans ce dialogue constant et inattendu, où chaque performance devient unique, vulnérable et profondément vivante.

Fidèle à l’essence du jazz, Le Vanneau Huppé s’inspire de multiples horizons culturels. Écoutez leur morceau “Entre les plumes et le vent” (issu de leur premier EP sorti en 2021), et vous entendrez des inflexions rappelant les musiques gnawa du Maroc, des harmonies proches du minimalisme de Steve Reich, et des touches électroniques qui évoquent des artistes comme Floating Points.

Chose intéressante : leurs œuvres ne cherchent jamais à effacer les origines de leurs sources. Lorsqu’ils empruntent un rythme ou une sonorité à une tradition musicale, ils le font avec respect, en cherchant à lui insuffler une modernité subtile, sans le saturer. Chaque influence reste identifiable, comme une invitation au voyage.

Impossible de parler du Vanneau Huppé sans évoquer le rôle central de la poésie. Les textes sont bien plus que de simples mots posés sur une mélodie. Ils servent de pivot émotionnel et narratif. Certains poèmes racontent des histoires entières, tandis que d’autres dessinent des images ou des éclats de vie. Les thématiques abordées vont de l’intime à l’universel : le temps qui file, les amours impossibles, les exils ou cette idée obsédante du point de non-retour.

Derrière les mots, plusieurs plumes se partagent l’écriture. Parmi les noms récurrents, on retrouve Diane Rosello, poétesse française à la voix rauque reconnaissable, ou encore Imran Alavi, écrivain pakistanais qui mêle souvent l’ourdou à l’anglais dans ses textes, créant un métissage linguistique éblouissant.

Leur attachement à la poésie visuelle les pousse aussi à collaborer avec des vidéastes, intégrant souvent des projections sur scène. L’ensemble forme alors une expérience multisensorielle, enveloppante, où l’image, le son et la parole s’harmonisent.

Le Vanneau Huppé est encore un jeune projet, mais leur démarche artistique n’a pas tardé à faire parler. Après plusieurs années à arpenter les petites scènes en quasi-anonymat, ils ont sorti leur premier EP, “Horizons Ondoyants”, en 2021. Celui-ci contient cinq titres, chacun explorant une couleur bien distincte :

  • “Entre les plumes et le vent” : Une envolée onirique où piano et percussions dialoguent avec des vers murmurés.
  • “La Fracture” : Un morceau intense où le saxophone porte un texte poignant sur le déracinement.
  • “Le Silence des Rois” : Subtil mélange entre percussions traditionnelles et spoken word anglo-français.
  • “Métamorphose Bleue” : Une plongée électro-jazz, éclatante d’expérimentations harmoniques.
  • “Aube Infinie” : Hymne final, épuré, porté par des voix en polyphonie.

Le succès critique de cet EP leur a ouvert les portes de festivals européens, comme le North Sea Jazz Festival, même si leur place reste encore modeste, nichée souvent dans des espaces intimistes plutôt que sur les grandes scènes.

Ce qui frappe le plus en découvrant Le Vanneau Huppé, c’est à quel point leur musique transcende le cadre purement sonore. En live, l’énergie qui se dégage du collectif est difficilement traduisible par les mots. On y ressent l’urgence de créer, de partager et d’écouter ensemble. Un souffle collectif qui rassemble musiciens, poètes et public dans une expérience commune.

Alors, si vous avez l’occasion un jour de croiser leur route, poussez la porte. Il y a fort à parier que cet entrelacs de poésie et de jazz vous laissera longtemps son empreinte. Qui sait ? Peut-être même vous inspirera-t-il à inventer votre propre danse entre les plumes et le vent.