26 avril 2025
Il y a quelque chose de magique qui se passe tous les mercredis dans un petit coin de Deptford, à Londres. Steam Down, c’est bien plus qu’un collectif, c’est une expérience immersive où le public et les musiciens se mêlent. Fondé par Ahnansé, saxophoniste et producteur, Steam Down est devenu un sanctuaire pour la nouvelle génération du jazz britannique. Ici, les influences sont plurielles : afrobeat, grime, spoken word, tout s’entrelace avec une énergie brute.
L’atmosphère chez Steam Down rappelle les salons communautaires du jazz des années 60, avec une modernité en plus. On vient pour écouter, mais aussi pour participer. Ce collectif a offert une rampe de lancement à des artistes en pleine ascension comme Nubya Garcia ou Shabaka Hutchings, tout en s’imposant comme un espace d’expérimentation pour de jeunes musiciens. En 2019, leur première mixtape "Five Fruit" a condensé cette effervescence en un projet sonore qui convoque autant les racines que l’avenir.
En France, le jazz traverse une véritable renaissance, et le collectif MaDam RamDam illustre parfaitement cette dynamique. Formé autour de musiciens comme Paul Jarret ou Émile Parisien, ce groupe casse les codes et s’autorise toutes les audaces. Leurs compositions mêlent jazz contemporain, musiques du monde et improvisations saisissantes, avec une poésie sonore qui parle directement au cœur.
C’est sur la scène parisienne que MaDam RamDam a pris son envol, jouant régulièrement dans les lieux alternatifs ou dans des festivals avant-gardistes. Le collectif utilise aussi sa musique pour aborder des thématiques engagées, ouvrant parfois ses projets à des collaborations avec des slameurs ou des vidéastes.
Avec The Comet Is Coming, on quitte la Terre pour explorer des galaxies sonores inexplorées. Shabaka Hutchings, déjà évoqué avec Sons of Kemet, est au centre de ce trio explosif qui mélange jazz, électro et rock psychédélique. Aux côtés de Dan Leavers alias Danalogue (claviers) et Max Hallett alias Betamax (batterie), Hutchings crée un univers musical apocalyptique où chaque morceau ressemble à une odyssée futuriste.
Les influences sci-fi transpirent dans leurs albums, notamment sur leur chef-d’œuvre "Trust in the Lifeforce of the Deep Mystery". Ce disque est une conversation entre chaos et harmonie, une bande-son moderne pour un monde en crise. The Comet Is Coming signe ainsi un jazz hybride profondément visionnaire et énergique.
Si un collectif devait incarner la puissance brute du jazz engagé, ce serait Sons of Kemet. Avec deux batteurs propulsant un groove implacable et Shabaka Hutchings au saxophone, cette formation londonienne marie militantisme et transe musicale. Leur dernier album, "Black to the Future", est une véritable déclaration politique, fusionnant jazz, spoken word et percussions tribales.
Ce qui distingue Sons of Kemet, c’est leur capacité à connecter le jazz à ses racines africaines tout en s’adressant aux luttes sociales contemporaines. Le morceau "Hustle", avec Kojey Radical, est un exemple parfait de leur énergie incisive et de leur engagement sans compromis.
Robert Glasper est un touche-à-tout du jazz contemporain, mais c’est grâce à ses collaborations qu’il a su ouvrir de nouveaux horizons. Le pianiste américain a souvent travaillé aux côtés de Bilal, icône de la soul avant-gardiste. Ensemble, ils ont donné naissance à des morceaux mémorables, comme "Letter to Hermione" ou "All Matter", présents sur l’album "Black Radio".
Leur travail marque un tournant où jazz et soul ne se quittent plus. Ce mariage de sonorités, teinté de touches de hip-hop et d’improvisations libres, a permis de toucher un public élargi sans jamais compromettre leur exigence musicale.
Ill Considered, un projet né de l’improvisation totale, propose un jazz brut, viscéral et sans barrières. Le collectif, composé de musiciens nomades de Londres, enregistre souvent ses albums en une seule prise, capturant toute l’urgence et l’intensité du moment.
Chacun de leurs projets semble embrasser une idée clé du jazz : l’instantanéité. Le résultat est une musique qui vibre de sincérité, où se croisent influences orientales, rythmes complexes et dynamiques électriques.
Formé au Texas et dirigé par le bassiste Michael League, Snarky Puppy a fait du collectif une philosophie. Ce groupe rassemble jusqu’à 25 musiciens, issus d’horizons variés, chacun apportant sa couleur. Leur esthétique repose sur une fusion maîtrisée de jazz, funk, rock et musiques du monde.
Snarky Puppy a marqué le genre avec des albums comme "We Like It Here" ou "Immigrance". Leur force réside dans leur capacité à travailler comme une entité collective, où chacun trouve sa place dans une alchimie exceptionnelle. Et leurs concerts explosifs achèvent de convaincre les plus sceptiques.
Les frères Théo (violon) et Valentin Ceccaldi (violoncelle) incarnent une dualité magnétique dans le jazz français. Membres fondateurs de plusieurs formations avant-gardistes comme le Freaks ou La Scala, ils repoussent les limites de leurs instruments pour explorer de nouveaux territoires sonores.
Ensemble, ils construisent une musique où la virtuosité n’étouffe jamais l’émotion. Cette complicité fraternelle est le fil conducteur de collaborations parfois audacieuses, comme dans "Brotherhood", un projet où se mêlent jazz et influences classiques contemporaines.
Trompettiste au son reconnaissable entre mille, Erik Truffaz a sans cesse exploré l’hybridation entre jazz et électronique. Collaborant avec des artistes comme Murcof ou Marcello Giuliani, il a brouillé les frontières entre improvisation et textures électroniques.
Son album "Bending New Corners" reste un jalon pour comprendre l’apport de ces rencontres : un jazz qui s’approche des atmosphères feutrées de l’électro tout en conservant une pulsation organique.
Christian Scott aTunde Adjuah est un architecte sonore. Avec ses projets collaboratifs, il construit des ponts entre passé et futur, Afrique et Amérique. Sa Visionary Black American Music (V.B.A.M) est un manifeste qui redéfinit le jazz en intégrant des éléments de trap, d’électro et de traditions ancestrales.
Son album "Stretch Music" en est un exemple frappant, où chaque morceau est une invitation à repenser les contours d’une afro-futurité musicale.
Le jazz hybride contemporain est bien plus qu’un genre musical : c’est un laboratoire vivant, un espace de dialogue où s’entrelacent identités, énergies et imaginaires. Grâce à des collectifs innovants comme Steam Down et Sons of Kemet, et des collaborations visionnaires comme celles de Robert Glasper ou Christian Scott, ce jazz contemporain nous prouve que son histoire continue de s’écrire avec éclat et audace.